Les 100 millions de la discorde : Iloko vs Bilie-By-Nze, anatomie d’une accusation suspecte | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

Les 100 millions de la discorde : Iloko vs Bilie-By-Nze, anatomie d'une accusation suspecte | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

L’accusation de détournement de 50 millions de francs CFA lancée par Stéphane Iloko contre Alain-Claude Bilie-By-Nze révèle davantage sur l’accusateur que sur l’accusé. Entre ambitions personnelles mal dissimulées et stratégie de déstabilisation, cette nouvelle controverse politique gabonaise s’inscrit dans une longue tradition où le scandale tient lieu de programme électoral. Analyse sommaire d’une accusation aussi explosive qu’improbable, portée par un homme dont le propre passé est jalonné de controverses financières.

Bilie-By-Nze et Iloko Boussengui. Dans une guerre d’égos mal dissimulée, c’est l’héritage du PDG qui triomphe : la personnalisation des enjeux supplante le débat d’idées, et la capacité à faire scandale l’emporte sur la crédibilité. © GabonReview

 

Dans le théâtre politique gabonais, où les ruptures d’alliances rythment l’agenda électoral avec une prévisibilité presque rituelle, les attaques de Stéphane Germain Iloko Boussengui contre Alain-Claude Bilie-By-Nze illustrent parfaitement la permanence des pratiques héritées de l’ancien régime. À quelques semaines de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, ces deux figures issues du sérail politique traditionnel offrent un spectacle de division dont la mise en scène semble aussi calculée que les ambitions de l’un des deux protagonistes sont démesurées.

L’accusation portée récemment par Iloko Boussengui dans une interview à GM TV constitue l’apogée de cette confrontation : selon lui, le président de la transition, le Général Oligui Nguema, aurait remis 100 millions de francs CFA à Bilie-By-Nze, qui n’en aurait déclaré que 50 à son équipe d’Ensemble pour le Gabon. Une allégation explosive qui soulève une question fondamentale :  Stéphane Iloko est-il crédible ?

Une trajectoire politique jalonnée de controverses qui minent sa crédibilité

Pour évaluer la crédibilité d’Iloko Boussengui, il convient d’examiner son parcours avec rigueur. Dès ses années universitaires comme président de la mutuelle des étudiants de l’Université Omar Bongo dans le milieu des années 80, des soupçons de détournement de fonds pesaient déjà sur sa gestion. Plus significatif encore, son passage à l’Inspection Générale de la Santé en 2010-2011 s’est conclu par une comparution devant le Tribunal de première instance de Libreville suite à une accusation d’extorsion impliquant un mécanisme de paiement d’amendes pour le moins opaque. Il a notamment été question, en mai 2011, de graves allégations qui comprenaient probablement une tentative d’extorsion ou de trafic d’influence, Stéphane Iloko ayant imposé une amende substantielle de 8 millions de francs CFA à l’entreprise de Nyonsé, exigeant que le paiement soit effectué par chèque émis au nom de l’Inspection générale de la santé plutôt qu’au nom du Trésor public ou d’un autre compte officiel du gouvernement. Ce mécanisme de paiement inhabituel avait immédiatement suscité des soupçons quant à la légitimité et à la transparence de la sanction financière.

Cette récurrence d’accusations financières à travers sa carrière révèle un mode opératoire qui interroge. Lorsqu’un homme politique multiplie les conflits de cette nature, chaque nouvelle allégation qu’il formule perd mécaniquement en substance, surtout lorsqu’elle vise un adversaire qui, au-delà de ses défauts, a occupé les plus hautes fonctions de l’État sans être inquiété pour des sommes aussi dérisoires que 50 millions de francs CFA.

La plateforme Ensemble pour le Gabon, dans son communiqué cinglant, qualifie d’ailleurs Iloko d’«infiltré» ayant méthodiquement œuvré à la division du mouvement. La chronologie des événements semble confirmer cette analyse : six mois avant sa sortie fracassante, il aurait déjà confié à certains cadres son intention de quitter le navire, transformant son parcours au sein du collectif en une simple étape tactique vers sa candidature personnelle.

L’instrumentalisation d’un récit politique improbable au service d’ambitions personnelles

L’accusation portant sur les 100 millions prétendument reçus par Bilie-By-Nze souffre d’une invraisemblance fondamentale qui la discrédite ab initio. Comment imaginer qu’un homme politique de l’envergure de l’ancien Premier ministre, rompu aux subtilités du pouvoir et parfaitement conscient des mécanismes de surveillance propres aux régimes gabonais, puisse s’exposer pour une somme que l’on pourrait qualifier d’anecdotique à l’échelle des enjeux nationaux ?

Cette allégation révèle davantage sur son auteur que sur sa cible. Elle traduit une méconnaissance profonde des codes tacites du pouvoir ou, plus vraisemblablement, un cynisme calculé visant à capturer l’attention médiatique. Dans un contexte préélectoral où la visibilité constitue la ressource la plus précieuse, Iloko Boussengui déploie la stratégie classique de la surenchère accusatoire, espérant ainsi compenser par le scandale ce qui lui manque en capital politique.

La question subsidiaire, qui reste en suspens dans cette affaire, concerne les véritables commanditaires de cette entreprise de déstabilisation. Car dans l’écosystème politique gabonais post-Bongo, rares sont les initiatives purement individuelles. Que ce soit par opportunisme personnel ou par stratégie concertée, l’acharnement d’Iloko contre son éphémère ex-mentor sert manifestement des intérêts qui dépassent sa simple candidature, dont les chances de succès apparaissent inversement proportionnelles à la virulence de ses attaques.

Au final, l’épisode Iloko-Bilié-By-Nze semble n’être qu’une réplique contemporaine d’un scénario maintes fois joué sur la scène politique gabonaise : celui de la trahison spectaculaire comme rite de passage vers une candidature autonome. L’accusation de détournement financier, par son caractère grossier et son improbabilité manifeste, révèle moins la corruption supposée de Bilie-By-Nze que l’échec d’Iloko Boussengui à proposer une alternative politique crédible.

Dans cette guerre d’égos mal dissimulée sous un vernis d’indignation morale, c’est finalement l’héritage des pratiques politiques du PDG qui triomphe : la personnalisation extrême des enjeux, la prévalence des attaques ad hominem sur le débat d’idées, et surtout, la perpétuation d’un système où la crédibilité des acteurs importe moins que leur capacité à occuper l’espace médiatique, fût-ce au prix de la vérité.