Une prison où rien ne rentre, est-ce (vraiment) possible ?

Une prison où rien ne rentre, est-ce (vraiment) possible ?

Et les lauréats sont… Le ministre de la Justice a annoncé jeudi soir sur France 2, le nom des deux prisons choisies pour accueillir, dès la fin juillet, les 200 narcotrafiquants les plus dangereux du pays. Il s’agit des centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, et de Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne. Ces deux établissements sont déjà les plus sécurisés de France. Mais Gérald Darmanin a souligné qu’il fallait « rendre tout à fait hermétiques les deux établissements, renforcer les moyens, y mettre un certain nombre de personnels supplémentaires ». Ainsi, 4 et 5 millions d’euros seront investis pour transformer la première, et environ 10 millions pour la seconde. Mais une prison où rien ne rentre, est-ce vraiment possible ?

« Il faut notamment mettre des caillebotis sur les fenêtres, c’est-à-dire des petits carreaux qui empêchent de faire rentrer des choses par l’extérieur », a détaillé le garde des Sceaux ce vendredi à l’occasion d’un déplacement à Vendin-le-Vieil. Gérald Darmanin a aussi évoqué « un système de lutte anti-drone extrêmement performant », un « renforcement technologique pour que, même si on peut assez peu communiquer à l’intérieur de cette prison, on ne le puisse plus du tout ». « On va mettre des salles de visioconférence parce que le principe, c’est que les détenus ne sortiront pas de la prison », a-t-il conclu sur le sujet.

« Systèmes de sécurité ultramoderne »

Secrétaire général du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS), Christy Nicolas estime qu’il est impossible « d’étanchéifier uniquement des quartiers au sein d’un établissement ». « Mais toute une prison, oui, c’est possible », explique-t-il à 20 Minutes, Les deux centres pénitentiaires sélectionnés sont « déjà très sécurisés » et « sont en pleine campagne et pas en centre-ville, on ne peut pas s’en approcher facilement ». Ce qui complexifie la tâche des lanceurs, ces « jobbeurs » payés pour catapulter des objets par-dessus les murs d’enceinte. D’autre part, l’installation de brouilleurs d’ondes, pour empêcher les détenus de téléphoner depuis leur cellule avec un portable, est facilitée par le fait que ces appareils « ne gênent pas » le voisinage. Les caillebotis – « des grillages renforcés » – qui seront installés aux fenêtres des cellules doivent eux empêcher les détenus de remonter les produits ou appareils catapultés dans la cour de promenade à l’aide de « yoyos », « des cordes confectionnées avec des draps ou des couvertures ».

Les prisons de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe « sont toutes neuves, et les problématiques rencontrées dans les autres établissements ont été pris en compte » au moment de leur conception, souligne Christy Nicolas. Le syndicaliste observe notamment que « les cellules n’ont pas d’accès direct aux cours de promenade ». D’autre part, elles sont équipées « de tous les systèmes de sécurité ultramoderne, comme des portiques de détection » à haute sensibilité. Enfin, tout sera mis en place dans ces deux super-prisons pour empêcher les détenus d’avoir des contacts avec l’extérieur. Ils seront intégralement fouillés après chaque rencontre avec leur famille ou leur avocat, rencontre qui aura lieu derrière une vitre équipée d’un hygiaphone.

Un projet lancé « trop rapidement » ?

Damien Rameau, secrétaire national du SNEPAP-FSU, redoute quant à lui que ce projet ne soit lancé « trop rapidement ». Une sorte, dit-il, d’opération de communication destinée à « répondre à la peur de nos concitoyens ». « Si derrière, les choses ne sont pas assez réfléchies, cela pourrait avoir des conséquences sur la sécurité des agents sur le terrain », explique-t-il à 20 Minutes. Alors que les premiers détenus doivent arriver fin juillet, le syndicaliste souligne qu’il faut six mois pour former un surveillant pénitentiaire et « un à deux ans » pour un conseiller d’insertion et de probation. « Et après, il faut que les gens se forment sur le terrain. Donc s’il s’agit de retirer des effectifs dans d’autres établissements et que cela met ces prisons en danger, ce n’est pas une solution. »

Il estime donc que le ministre de la Justice et l’administration pénitentiaire doivent écouter « les agents de terrain, tous corps confondus : surveillants, conseillers d’insertion et de probation, administratifs, psychologues et agents techniques ». Ce qui, déplore-t-il, n’a pas été fait avant de lancer ce projet. « Il faut prendre en compte leur expérience, leur besoin, insiste Damien Rameau. Ce sont eux qui connaissent la réalité. »