Chômage des jeunes au Gabon : quand les emplois vont ailleurs | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

Alors que le chômage des jeunes diplômés atteint des sommets inquiétants au Gabon, la délivrance de milliers d’autorisations d’emploi à des travailleurs étrangers en 2024 soulève une question brûlante : pourquoi le secteur privé peine-t-il à absorber la main-d’œuvre locale ? Entre inadéquation des formations, exigences des entreprises et responsabilités de l’État, le débat s’intensifie sur l’avenir professionnel des jeunes Gabonais.

Alors que 120 000 jeunes diplômés gabonais cherchent un emploi, plus de 4 000 autorisations de travail ont été accordées à des étrangers en 2024. Un paradoxe qui interroge sur les dysfonctionnements du marché du travail national. © Freepik
Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Lutte contre le Chômage, Adrien Nguema Mba, n’a pas mâché ses mots. Le 26 février 2025, il a dressé un constat alarmant : «Notre pays souffre du problème de l’emploi. Le constat qu’on fait, c’est que les Gabonais sont au chômage, mais les expatriés travaillent au Gabon. Pourquoi cela ?» En effet, alors que 120 000 jeunes diplômés gabonais cherchent un emploi, plus de 4 000 autorisations de travail ont été accordées à des étrangers en 2024. Un paradoxe qui interroge sur les dysfonctionnements du marché du travail national.
Le problème ne se résume pas à un manque d’opportunités. Il repose en grande partie sur un déséquilibre entre les compétences disponibles et les exigences du secteur privé. «Les qualifications que l’offre d’emploi des sociétés privées exige et la formation des jeunes Gabonais ne cadrent pas», a souligné le ministre. De nombreux employeurs peinent à recruter localement des profils adaptés, ce qui les pousse à chercher ailleurs.
Une formation en décalage avec les réalités économiques
Cette situation met en lumière une faille structurelle : les jeunes sont souvent formés à des métiers pour lesquels la demande est quasi inexistante au Gabon. Or, le secteur privé, moteur principal de l’emploi, recherche des compétences spécifiques que les formations locales ne parviennent pas à fournir. «Est-ce qu’il faut continuer dans ce sens à former les jeunes Gabonais pour le plaisir de les former sans tenir compte du bascule d’emploi que nous offrent les sociétés privées ?» s’est interrogé Adrien Nguema Mba.
Ce décalage pose un défi majeur pour l’État, qui doit repenser le système éducatif et professionnel afin de mieux répondre aux réalités du marché. Si cette réforme tarde à voir le jour, le chômage des jeunes risque de s’enraciner, avec des conséquences sociales et économiques préoccupantes.
Si l’État a la responsabilité d’encadrer le marché du travail, il ne peut à lui seul créer des emplois. C’est au secteur privé de jouer ce rôle, mais encore faut-il que les conditions soient réunies. Les entreprises recherchent avant tout des travailleurs qualifiés, immédiatement opérationnels, capables de s’adapter aux exigences du marché. Face à une offre locale jugée insuffisante, elles se tournent vers une main-d’œuvre étrangère.
Ce choix, bien que pragmatique d’un point de vue économique, alimente un sentiment d’exclusion parmi les jeunes Gabonais, qui peinent à s’insérer professionnellement. Pourquoi l’État peine-t-il à adapter les formations aux besoins des entreprises ? Comment encourager ces dernières à investir davantage dans la formation locale ? Ces interrogations restent centrales dans la quête d’une solution durable.
Des réformes attendues pour inverser la tendance
Conscient de l’urgence, le gouvernement mise sur les prochaines assises nationales sur l’emploi pour apporter des réponses concrètes. L’une des pistes envisagées est une implication plus forte du secteur privé dans la formation professionnelle, afin d’aligner les compétences des jeunes sur les besoins réels du marché.
Mais la réussite de ces réformes repose sur leur mise en application effective. Si les écarts entre offre et demande d’emploi persistent, et que le chômage des jeunes continue de croître au profit d’une main-d’œuvre étrangère, le risque est de creuser davantage les inégalités sociales. L’heure est donc à l’action pour éviter qu’une génération entière ne soit sacrifiée sur l’autel d’une politique de l’emploi inadaptée aux réalités économiques du pays.