Délestages dans le Grand Libreville : la situation et le plan de bataille | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

Face à une crise énergétique sans précédent qui paralyse le Grand Libreville depuis près de cinq mois, Steeve Saurel Legnongo, Administrateur Provisoire de la SEEG, a tout récemment levé le voile sur les causes profondes des délestages persistants et dévoile un plan d’action combinant solutions d’urgence et vision à long terme. Entre centrales flottantes turques, câbles en fibre carbone et projet de centrale terrestre, l’entreprise de service public tente de redresser un réseau électrique au bord de l’effondrement, héritage de deux décennies de sous-investissement face à une demande énergétique qui a doublé en moins de quinze ans.

Comment la SEEG compte-t-elle mettre fin au cauchemar électrique du Grand Libreville ? © GabonReview
Dans un contexte marqué par des délestages persistants depuis près de cinq mois, Steeve Saurel Legnongo, 10ème dirigeant de la SEEG depuis la fin de l’ère Veolia en 2018 et Administrateur provisoire depuis le 19 décembre 2024, s’est exprimé pour la première fois, le 20 février 2025 dans le quotidien L’Union, sur la crise énergétique qui secoue la capitale gabonaise et sa périphérie et fait couler tant d’encre et de salive.
Un réseau en situation critique. Une infrastructure à bout de souffle
Il y a que la situation énergétique du Grand Libreville révèle une réalité alarmante : l’absence d’investissements structurants, au cours des deux dernières décennies, face à une demande énergétique ayant «pratiquement doublé entre 2010 et 2024», selon les propos de M. Legnongo. Ce déséquilibre criant entre l’offre et la demande constitue, d’après lui, la principale cause de la crise actuelle.
«L’âge moyen des groupes thermiques est de 30 ans, celui des groupes hydroélectriques de 50 ans. Ces machines sont fortement éprouvées», souligne le dirigeant, évoquant un parc de production électrique vétuste dont certaines pièces de rechange sont «totalement obsolètes». Une situation d’autant plus préoccupante que la demande a connu «une progression de plus de 12%» en 2024 seulement.
Face à cette situation critique, la SEEG a dû recourir à une stratégie de survie pour maintenir un minimum de service. «La qualité de puissance disponible à la distribution étant fortement limitée, la SEEG se voit obligée d’avoir recours à des délestages rotatifs, c’est-à-dire des ouvertures volontaires des postes afin d’éviter un effondrement total du réseau électrique», a expliqué M. Legnongo dans L’Union, soulignant que ce recours aux coupures programmées est devenu inévitable pour préserver l’intégrité du réseau.
Des solutions d’urgence en attendant une restructuration profonde

Steeve Saurel Legnongo, 10ème dirigeant de la SEEG depuis le départ de Veolia en 2018 et Administrateur provisoire depuis le 19 décembre 2024, explique la crise énergétique qui secoue Libreville actuellement. © Union.sonapresse
Pour faire face à cette situation critique, un accord stratégique a été signé le 15 février 2025 entre la SEEG, l’État gabonais et le groupe turc Karpowership (KPS). Ce protocole prévoit l’installation de deux centrales flottantes d’une capacité totale de 70 MW, actuellement «en phase test de mise en service». Les centrales de KPS doivent participer à «la stabilisation du réseau et ainsi garantir une qualité de service acceptable» pour les habitants du Grand Libreville.
Le coût de cette opération de sauvetage s’élève à «1,8 milliard de francs CFA par mois» que la SEEG s’engage à régler pour la fourniture des 70 MW, tandis que «l’État gabonais prendra en charge la fourniture du fuel». L’accord prévoit également une transition vers le gaz naturel «dans un délai de deux mois à compter de la date de signature du protocole».
Parallèlement à ces mesures d’urgence, la SEEG poursuit «les travaux de pose du câble ACCC sur le réseau électrique» de Libreville. Ce «conducteur central en fibre carbone» devrait augmenter «significativement le mouvement d’énergie et la capacité de transit de puissance de la ligne Haute Tension sur le tronçon 90 kV Owendo-Bisségué», toujours selon l’Administrateur provisoire du monopoleur de l‘électricité au Gabon. Cette innovation technique, présentée comme «thermiquement stable, résistante à la corrosion, respectueuse de l’environnement», apparaît comme une solution durable pour «répondre à la forte demande de la clientèle domestique et industrielle du Grand Libreville».
Les défis à surmonter pour un avenir électrique plus stable
La vision à plus long terme implique la discussion d’un projet BOOT (Build, Own, Operate, Transfer) en joint-venture avec KPS pour l’installation d’une «centrale électrique terrestre de 150 MW», avec une période d’exploitation restant à définir. Cette perspective laisse entrevoir une solution structurelle au déficit énergétique chronique que connaît la capitale.
Aux défis techniques et financiers s’ajoutent des comportements malveillants qui compliquent davantage la mission de la SEEG. «Des actes de vandalisme sont régulièrement perpétrés sur le site de la centrale thermique d’Owendo», dénonce avec indignation M. Legnongo, mentionnant notamment «des câbles de terre coupés par des individus malintentionnés», des équipements pourtant «nécessaires au bon fonctionnement du réseau».
Malgré l’ampleur des défis, le nouvel Administrateur provisoire se veut résolument engagé : «L’ensemble du personnel est fortement mobilisé pour relever ce défi», assure-t-il, tout en reconnaissant que «les problèmes techniques et les difficultés de tous ordres sont très nombreux» et que «leur résolution va nécessiter du temps et des moyens conséquents».
La crise énergétique du Grand Libreville, symptomatique d’un sous-investissement chronique dans les infrastructures essentielles, illustre les défis colossaux auxquels font face les services publics au Gabon. Si les solutions d’urgence comme les centrales flottantes turques offrent un répit immédiat, c’est bien vers une refonte complète du système de production et de distribution que doit tendre la stratégie à long terme, pour enfin «rendre aux Gabonais le service public à la hauteur de leurs attentes».