Éducation et emploi au Gabon : le dilemme d’une jeunesse en quête d’avenir | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

Le Premier ministre Raymond Ndong Sima a lancé un pavé dans la mare lors de l’ouverture des Assises nationales de l’emploi, ce 11 mars. Face à une scolarisation massive qui ne garantit pas d’emplois et un marché du travail inadapté à la formation des jeunes, il plaide pour une réforme audacieuse du système éducatif. Mais jusqu’où faut-il aller dans cette refonte ?

Face à une scolarisation massive qui ne garantit pas d’emplois et un marché du travail inadapté à la formation des jeunes, le Premier ministre Raymond Ndong Sima plaide pour une réforme audacieuse du système éducatif. Mais jusqu’où faut-il aller dans cette refonte ? © GabonReview
Depuis plusieurs décennies, le Gabon s’est engagé dans une politique de scolarisation universelle, répondant à des engagements nationaux et internationaux. Cependant, cette massification de l’éducation s’est faite au détriment de l’adéquation entre formation et opportunités professionnelles. Chaque année, des milliers de jeunes décrochent leur baccalauréat, parfois avant l’âge de 18 ans, sans perspectives d’insertion sur un marché du travail en tension.
«Nous sommes déjà devant un dilemme, » a martelé le Premier ministre. « Nous envoyons les enfants à l’école, mais quelle certitude avons-nous qu’ils trouveront un emploi lorsqu’ils en sortiront ? Aucune» Ce constat interroge l’efficacité du modèle éducatif actuel, qui semble produire plus de diplômés qu’il ne peut en absorber.
«Nos parents, autrefois, nous formaient directement à la tâche», a rappelé Raymond Ndong Sima, soulignant le contraste avec le système actuel qui, selon lui, déconnecte les jeunes des réalités économiques du pays. Alors que l’éducation traditionnelle menait à un auto-emploi immédiat, la scolarisation généralisée produit des diplômés souvent inemployables dans une économie dominée par des secteurs peu demandeurs de qualifications académiques.
Le Premier ministre pose un constat implacable : des milliers de jeunes obtiennent chaque année leur baccalauréat avant 18 ans, mais leur insertion professionnelle est compromise par une économie incapable de les absorber. «Le taux de croissance est à l’origine de la création d’emplois, mais je ne suis pas sûr qu’il aurait été capable d’absorber les seuls jeunes diplômés de moins de 18 ans», a-t-il averti.
Faut-il scolariser moins pour employer plus ?
L’obligation de scolarisation est une exigence nationale et internationale. Mais faut-il poursuivre cette politique alors que de nombreux diplômés peinent à trouver un emploi ? Le Premier ministre n’élude pas la question : «Devons-nous réduire le taux de scolarisation pour permettre que les jeunes se dirigent plus vite vers les métiers qui correspondent au marché ?»
Cette interrogation heurte de plein fouet un principe fondamental : celui de l’éducation comme moteur du développement. Cependant, Ndong Sima souligne que tous les secteurs n’ont pas besoin de longues études. «A-t-on vraiment besoin de faire sept ans au collège pour devenir agriculteur ? » s’interroge-t-il, plaidant pour une révision du modèle actuel.
Former autrement : un pari risqué mais nécessaire
Si la solution n’est pas de freiner la scolarisation, elle réside peut-être dans une meilleure adéquation entre formation et marché du travail. L’apprentissage et la formation en alternance apparaissent comme des pistes sérieuses, mais leur mise en œuvre est semée d’embûches. «Combien d’entreprises sont capables d’accueillir des stagiaires ? Il n’y en a pas assez», a reconnu le Premier ministre.
Face à cette impasse, une question fondamentale se pose : faut-il fixer une limite à la scolarisation ? Ndong Sima évoque l’idée de stopper la scolarité obligatoire après la classe de troisième pour orienter les jeunes vers des formations professionnelles adaptées. Une solution radicale qui pourrait cependant se heurter aux réalités du marché. «Même à ce stade, sommes-nous sûrs que nos entreprises sont capables d’absorber ces jeunes ?» s’interroge-t-il.
Au-delà des questions éducatives, c’est l’équilibre social et économique du Gabon qui est en jeu. Le chômage des jeunes diplômés crée un cercle vicieux où les familles comptent sur des enfants qui, faute d’emploi, deviennent eux-mêmes dépendants. Dans un pays où chaque individu sans emploi représente une perte pour la collectivité, la réforme du système éducatif ne peut plus attendre.
«Nous avons un problème et ce n’est pas un petit problème », a insisté le chef du gouvernement, appelant à une réflexion sans tabou. Faut-il supprimer certaines filières inutiles ? Adapter les formations aux besoins réels ? Réduire la durée de la scolarisation ? Autant de questions auxquelles le Gabon doit répondre avec courage. Car comme l’a souligné Raymond Ndong Sima, « la pire des choses, c’est d’éviter de regarder en face les problèmes qui se présentent ».