Gabon : le coût de l’édition, un casse-tête pour les écrivains | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

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Alors que la littérature gabonaise gagne peu à peu en visibilité sur la scène internationale, l’accès à l’édition locale reste, pour beaucoup d’auteurs, une véritable épreuve. Entre coûts élevés, manque de transparence et absence de structures d’accompagnement, publier un livre au Gabon relève souvent du parcours du combattant.

Alors que la littérature gabonaise gagne peu à peu en visibilité sur la scène internationale, l’accès à l’édition locale reste, pour beaucoup d’auteurs, une véritable épreuve. © D.R.

 

Le 8 juillet 2025, l’Unesco reconnaissait officiellement la littérature gabonaise comme un pan important de l’industrie du livre, confirmant l’émergence d’une production locale riche et dynamique grâce au Festival international du livre gabonais et des arts. Pourtant, derrière cette reconnaissance se cachent encore de nombreuses difficultés structurelles, notamment en matière d’édition. Pour les auteurs gabonais, jeunes ou confirmés, publier un livre dans leur propre pays s’apparente trop souvent à une aventure solitaire, coûteuse et parfois décourageante.

« Dire que le coût de l’édition au Gabon est élevé dépend de chaque maison d’édition », nuance NED, jeune auteur gabonais. Ayant côtoyé plusieurs structures locales telles que les Éditions Ntsame, Symphonia ou GNK Éditions, il souligne que les tarifs pratiqués varient selon les moyens matériels de chaque éditeur. « Ce qui est certain, c’est que le prix ne garantit pas toujours la qualité. »

Il regrette cependant l’absence de véritables prestations éditoriales incluses dans les offres : correction, polissage du texte, promotion, gestion des droits… Ce sont des services encore trop rarement proposés. Pour lui, cette réalité a motivé son choix de publier à l’étranger afin d’offrir une portée plus large à son œuvre. « Beaucoup de livres ici ne sortent pas de leur communauté. Ils restent confinés», déplore-t-il.

Une première expérience douloureuse mais formatrice : les auteurs témoignent

Les maisons d’édition véritablement professionnelles restent encore trop rares. © D.R.

L’autrice gabonaise L.B, se souvient encore de ses débuts difficiles dans le monde du livre : « J’étais jeune, enthousiaste. J’ai signé mon premier contrat avec un éditeur local, mais très vite, l’expérience a tourné au cauchemar. » Entre contrat flou, promesses non tenues et silence radio après l’envoi du manuscrit, elle garde un souvenir amer de cette première tentative. « J’ai eu l’impression d’être effacée », confie-t-elle.

À seulement 16 ans à l’époque, elle s’est heurtée à un système où tout semblait verrouillé : « Il fallait connaître les bonnes personnes, avoir des contacts. Quand on est seule, qu’on croit juste en son texte, c’est très difficile. »

La question du prix revient comme un leitmotiv. « Un ami écrivain a payé une somme considérable pour publier son livre au Gabon », affirme-t-elle. « Au final, il n’a reçu qu’une quarantaine d’exemplaires. Il a payé pour tout : impression, correction, mise en page… »

Elle-même a finalement trouvé une alternative plus satisfaisante auprès d’un éditeur basé au Togo : « Avec moins d’investissement, j’ai eu plus d’exemplaires, un meilleur accompagnement et une communication claire. Ce n’était pas parfait, mais c’était accessible. » Un témoignage qui laisse croire que les tarifs de certains éditeurs ne correspondent pas souvent au service rendu.

Une autre autrice ayant demandé l’anonymat souligne que certaines maisons d’édition bâclent le travail et vont même jusqu’à faire des erreurs sur le titre ou même le nom de l’auteur alors que ce sont les premières choses sur lesquelles un éditeur doit s’accentuer : «  Non seulement ils sont chers mais en plus ça prend du temps, à un moment donné je ne souhaitais même pas conseiller les maisons d’édition gabonaises aux personnes qui me posaient des questions par rapport à ça », mais heureusement pour moi, il y a eu le Filiga, lance-t-elle.

Un secteur encore fermé aux jeunes plumes

Au-delà des aspects financiers, les jeunes auteurs gabonais dénoncent un manque d’ouverture dans le milieu de l’édition. « Ce n’est pas le talent qui manque », affirme un écrivain, « mais les opportunités, les espaces de dialogue, et l’accompagnement. Beaucoup abandonnent simplement parce qu’ils se sentent seuls. »

Les maisons d’édition véritablement professionnelles restent encore trop rares. Pour NED, il est impératif de poser les bases d’un véritable champ littéraire national : « Il faut un réseau structuré qui rassemble auteurs, éditeurs, libraires, institutions, et lecteurs… C’est la seule manière d’apporter des réponses durables. »

Dans cette optique, le président du Filiga, Rosny Souaga, revient sur la question de l’édition et souligne que les coûts varient selon le type de maison d’édition. « Autrefois, il fallait disposer de millions pour publier son livre, ce qui rendait l’édition très fermée. Aujourd’hui, plusieurs maisons d’édition ont vu le jour, ce qui a changé la donne. Mais si vous vous adressez à des maisons d’édition classiques, il est évident que les coûts seront plus élevés : nous y sommes tous passés. C’est pourquoi il est essentiel de bien choisir sa maison d’édition, d’évaluer les coûts, et d’opter pour la proposition la plus adaptée. »

Toutefois, malgré ces obstacles, il est important de garder espoir. La littérature gabonaise veut décoller mais pour ce faire il faut un véritable accompagnement, une clarté sur les contrats d’édition afin que l’auteur bénéficie de sa plume en terme de rentabilité. Il est temps de repenser l’édition au Gabon 150 mille pour la lecture du manuscrit quand on sait que l’auteur est jeune et que celui-ci fait ses premiers pas, on se demande si on pense vraiment à propulser ce talent ou simplement si on ne veut pas l’enfermer. Que les éditeurs soient transparents, honnêtes, et qu’ils soient plus accessibles, ou alors il n’y aura pas de changement structurel, la littérature gabonaise risque de continuer à s’épanouir… loin de chez elle.

 

Auteure : Thécia Nyomba