[Interview] Edgar Mba Ognane Nguema : «Nous sommes le wagon qui tire l’industrie» | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

[Interview] Edgar Mba Ognane Nguema : «Nous sommes le wagon qui tire l’industrie» | Gabonreview.com | Actualité du Gabon |

 

Un an après le rachat d’Assala Energy par l’État gabonais, Edgar Mba Ognane Nguema, son directeur général, brise le silence et dresse un bilan sans fard. Face aux doutes, il affirme dans cette interview accordée à GabonReview, la solidité de l’outil pétrolier, revendique une performance supérieure à celle des années précédentes et détaille sa stratégie de gouvernance, d’autofinancement et d’exploration. Une parole rare, directe, pour démontrer que l’entreprise, désormais nationale, n’a rien perdu de son souffle. [Première partie]

Edgar Mba Ognane Nguema, DG d’Assala Energy : «Beaucoup ont pensé qu’après la reprise par l’État gabonais, des choses s’effondreraient. Mais une année plus tard, les résultats sont là.» © Assala Energy communication

 

GabonReview : Depuis votre reprise de fonction, comment évaluez-vous l’état réel des actifs et des capacités opérationnelles d’Assala Energy ? Peut-on encore parler d’un outil pétrolier performant?

Edgar Mba Ognane Nguema : Pour être clair, l’outil pétrolier est performant. Depuis la reprise, nous avons un excellent contrôle de la production. Nous avons des équipes qui sont motivées, qui sont mobilisées. Nous déployons notre stratégie sur plusieurs aspects de l’industrie. Nous sommes même leaders. Aujourd’hui, quand on regarde le positionnement dans la gestion de l’environnement d’Assala, dans la gestion de tout ce qui est HSE, nous sommes le wagon qui tire l’industrie en réalité.

Donc l’entreprise se porte très bien. Beaucoup ont pensé qu’après la reprise par l’État gabonais, des choses s’éffondreraient. Mais une année plus tard, les résultats sont là. Et nous restons une compagnie performante. Vous aviez parlé de performance, vous aviez parlé de résultats. Quels sont les éléments clés qui peuvent permettre d’évaluer ou d’apprécier cette performance? Superbe question. Le premier élément, comme je l’ai communiqué lors des derniers conseils d’administration, c’est que la contribution d’Assala à l’économie nationale est en limite ou légèrement supérieure aux moyennes des cinq années précédentes. Donc aujourd’hui, l’État a racheté Assala, sa contribution directe et indirecte dans les taxes, dans ses obligations, nous sommes plutôt sur une tendance qui est au-dessus de la moyenne des années précédentes. Ensuite, en termes de production, qui est un indicateur clé de la performance de l’entreprise, vous avez vu que nous avons réussi à la maintenir.

Nous tournons autour de 52 000 barils au jour. Et tous les plans que nous avons nous confortent dans notre capacité à contrôler le déclin naturel qui a tendance à être très, très, très prononcé dans les types de champs que nous opérons. Donc c’est ces deux indicateurs, c’est-à-dire la contribution directe et indirecte d’Assala à l’économie nationale et la performance opérationnelle sur la production montrent que l’entreprise reste performante.

L’exode du management international et l’absence de direction générale pendant plusieurs mois ont alimenté un vide stratégique. Quelles mesures concrètes avez-vous mises en place pour restaurer la gouvernance de l’entreprise ?

Il est vrai que certains ex membres de la direction générale à Londres ont pris la décision de partir. Mais par contre, il n’y a pas eu de vide. La première chose qui s’est passée, c’est qu’il y a eu la promotion à l’interne de personnes, d’hommes et de femmes qui étaient en collaboration avec ces personnes, qui sont montées d’un niveau et qui ont assuré la transition. Ensuite, nous avons eu des recrutements ciblés pour certaines disciplines, pour renforcer l’équipe où elle devait être renforcée. Et derrière, nous avons établi un mode de gestion où les équipes de management de Londres et le directeur général du Gabon forment ce qu’on appelle l’équipe intégrée de management senior. Et c’est nous qui pilotons l’activité de l’entreprise. Donc, toutes les stratégies, tous les budgets présentés à l’actionnaire sont conçus par cette équipe intégrée de direction senior. Et avec le temps, nous allons continuer à recruter. Nous ne voulions pas nous précipiter pour faire du recrutement tous azimuts.

Il fallait que nous identifions ce qui allait changer avec l’arrivée du nouvel actionnaire, parce que l’arrivée de GOC pouvait constituer aussi un raison pour changer le mode de fonctionnement. Nous avons observé, nous nous sommes adaptés. Il n’y a jamais eu de vide stratégique.

L’entreprise continue d’opérer ses actifs. Nous allons forer un puits d’exploration. Nous allons mettre d’ici la première partie de l’année prochaine un nouveau champ en production, premier champ en production dans la cinquième république, ce qui s’appelle N’gongui.

Nous allons le faire. Donc, il n’y a jamais eu de vide stratégique. Il y a eu une transition, mais je pense en toute honnêteté que c’est une transition qui a été plutôt bien donnée.

Les niveaux de production ont chuté en 2024 malgré quelques rebonds ponctuels. Comment comptez-vous stabiliser, voire relancer, la production sur des champs matures qui nécessitent des investissements lourds ?

Comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne suis pas d’accord avec la première partie de l’assertion, c’est-à-dire qu’il y a une chute de production chez Assala. Il n’y a pas de chute de production chez Assala. La production chez Assala est sous contrôle. Elle est en ligne avec les budgets. Elle est en ligne avec les investissements.

Par contre, je suis d’accord avec vous que l’entretien et la production de champs matures comme ceux que nous opérons nécessitent des financements lourds. Je suis d’accord avec vous. Mais aujourd’hui, l’entreprise est capable de générer le cashflow nécessaire pour s’autofinancer, d’une part.

Et d’autre part, l’actionnaire, donc la GOC et l’État ont validé nos budgets. Ils sont conscients du fait que nous avons besoin de continuer à investir. Et donc, dans leur stratégie, ils donnent la lattitude à Assala de continuer à gérer les opérations présentes et d’investir sur le futur.

Donc, j’ai parlé de l’autofinancement. Et c’est important de préciser ce que c’est. Dans le passé, l’entreprise allait chercher des empreintes basées sur ses réserves, ce qu’on appelle le RBL. Et donc, c’est un emprunt qui était renouvelé chaque année. Alors que sous Assala et avec la GOC, aujourd’hui, nous n’utilisons pas d’apport extérieur. Nous n’allons pas nous endetter.

C’est notre qualité, nos résultats qui nous permettent de financer l’activité. Et ça, c’est un des apports de la GOC qui a voulu que stratégiquement, l’entreprise s’autofinance et qu’elle ne dépende pas d’apport extérieur. Et donc, ça nécessite aussi une certaine rigueur financière. Et aujourd’hui, la santé financière de l’entreprise montre qu’on est capable de s’autofinancer pour gérer l’activité.

L’un des grands challenges d’Assala sous la Nouvelle République, si on peut le dire ainsi, c’est déjà l’exploration du premier champ N’gongui, dont vous aviez fait mention tout à l’heure. Mais avant d’arriver sur le champ N’gongui, si on parlait déjà des explorations sur Rabunga-A, Rossignol A, Totou-Ne), qu’en est-il réellement ? On parle d’échecs. Y a-t-il réellement eu échecs ?

Alors, oui, j’aime beaucoup la manière dont vous posez la question parce qu’en réalité, la définition du succès de l’exploration peut être différente selon les opérateurs. Une compagnie qui ne fait pas de l’exploration est condamnée soit à mourir, soit à aller acheter des volumes chez d’autres entreprises, mais au prix fort, c’est-à-dire qu’ils les ont découvertes. Donc Assala a trois blocs d’exploration.

Ozigo II et Nziembou II et Mutamba-Iroru. Il est donc nécessaire pour le futur de l’entreprise, mais pour le futur aussi du pays, d’aller chercher ces futures accumulations. Donc nous sommes obligés et nous avons décidé stratégiquement de continuer l’exploration.

Beaucoup d’entreprises ne font pas d’exploration. C’est pourquoi la production globale nationale a tendance à baisser. Ce que nous avons décidé en tant que compagnie nationale, c’est de montrer l’exemple à l’industrie.

Nous continuons à faire de la production sur les actifs existants, mais nous avons besoin de nouveaux actifs. Pour ce qui est de Rossignol et de Rabunga, effectivement nous n’avons pas trouvé d’huile dans le sous-sol, mais nous avons eu des informations qui vont nous aider à mieux affiner nos modèles. Voilà pourquoi je parlais de la notion d’échec.

Oui, nous aurions aimé trouver de l’huile sur ces champs. Les structures étaient où nous les attendions. Techniquement, nous avons des outils performants pour identifier les endroits potentiels où se trouve l’huile.

Malheureusement, ce n’est pas nous qui décidons qu’elle soit ou ne soit pas. Mais quand on regarde la performance globale d’Assala, le taux de réussite en exploration, c’est 1 puits sur 5 forés, 20%. Dans le monde, il faut forer 5 puits pour faire une découverte.

Assala a fait une découverte à Rabi Nord-Ouest, une découverte sur Rabi, une partie des champs que même Shell ne voyait pas. Assala a trouvé une extension qui nous a permis d’augmenter notre production. Assala a foré, bien sûr, Rossignol et Rabunga, dont on vient de parler.

Assala a confirmé la découverte N’gongui. En termes de taux de réussite, nous sommes au-dessus de la moyenne. Malgré les déceptions, nous n’allons pas arrêter d’explorer. Cette année, nous allons forer un nouveau puits d’exploration. En fin d’année, parce que nous n’avons pas de choix. Oui, ça fait partie du business.

Oui, nous voulons que chaque puits d’exploration soit un succès, mais nous sommes aussi conscients du fait qu’en réalité, c’est tous les 5 puits forés qui ont une découverte. Nous avons beaucoup de prospèces dans ces 3 blocs. Nous cherchons justement à établir les meilleures manières d’aller faire de l’exploration de manière encore plus efficace.

S’agissant du climat social au sein d’Assala, comment gérez-vous les tensions internes, les incertitudes sociales, le climat d’attente chez vos employés depuis le rachat ?

Il y a eu des tensions. Il y a eu de grosses attentes et des inquiétudes au moment du rachat, parce que pour beaucoup, c’était un saut dans l’inconnu. On ne savait pas ce que ça ferait d’être une compagnie qui appartient à l’État au travers de la GOC.

Et oui, il y a eu beaucoup d’inquiétudes. Les histoires de primes de séparation ont fait beaucoup de bruit. Mais aujourd’hui, en réalité, nous avons passé ce cap.

Vous savez, là, juste avant que je discute avec vous, j’étais avec l’ONEP et les délégués du personnel, parce que nous avons institué des rencontres régulières une fois par mois. Nous avons des discussions avec nos représentants, les représentants de notre personnel, parce que le dialogue social est clé. Sans dialogue social, il y a une fracture.

Et s’il y a une fracture, il n’y a pas de performance dans l’entreprise. Donc, pour nous, nous ne dissocions pas les aspects de gestion du personnel à l’aspect de performance. Hier, avec l’ONEP et l’inspection du travail, nous avons installé un nouveau collège de délégués.

Tout de suite dans la foulée, nous avons eu aujourd’hui une séance de travail. C’est pour vous dire que le dialogue, il existe, il est vivant. Il ne signifie pas qu’on sera toujours d’accord, mais au moins, chez Assala, c’est des conversations constructives.

Et lorsqu’il y a des efforts à faire, que ce soit une partie ou que ce soit l’autre, nous sommes prêts à les former. Donc oui, il y a eu des inquiétudes au début, mais nous sommes très loin de cela aujourd’hui. Et en tant que directeur général de l’entreprise, je peux dire que le climat social au sein de l’entreprise est très sain.